Sarah Barzyk : « Toucher les gens autant que leur transmettre un message »
Entretien avec une jeune réalisatrice qui se nourrit d’arts en tout genre depuis toujours, entre détermination, sensibilité, talent et liberté.
Entre la préparation de son premier film, la sortie de ses clips musicaux et ses participations à différents courts et moyens métrages, Sarah Barzyk s’apprête à vivre une année artistiquement tout-terrain.
Le scénario de ton premier film est terminé. Comment se passe la suite de l’aventure pour une réalisatrice débutante ?
Sarah Barzyk : Difficilement tu t’en doutes. Parce que cela coûte cher. Ce qu’il se passe avec le cinéma c’est que l’on ne t’avance pas d’argent avant d’être sûr que ton projet aura un minimum d’audience. Soit le producteur a son argent (ce qui est très rare), soit tu décides de te produire toi-même et c’est compliqué. Il te faut faire une demande d’aide au financement au CNC (Centre National de Cinéma), auprès des chaînes de télévision… Il faut aussi se tourner vers les distributeurs. Puis il y a les régions. Après avoir monté et envoyé tes dossiers, les réponses tombent. Tu peux être financé de tel montant en échange, parfois, de conditions. Une fois ces données analysées, tu commences ton film.
Tu parles de production. Pourquoi tiens-tu à t’autoproduire ?
S. B. : Pour garder une liberté de ton à laquelle je tiens beaucoup. Je n’ai pas envie que l’on me demande de revoir certains aspects du message que je veux faire passer. L’histoire que je veux raconter est celle d’un policier qui devient un assassin afin que les médias s’intéressent à lui. Car jusqu’à présent, en faisant le bien, personne ne s’intéresse à son cas ! Il s’agit donc d’une critique des médias dominants en même temps que de nous-mêmes, qui restons fascinés par les faits divers malsains. Le traitement de l’actualité par les grands médias est souvent anxiogène. Les dialogues sont donc parfois assez incisifs et engagés. L’idéal serait qu’à la suite des premières scènes que je vais tourner, les différentes sources de financement dont je t’ai parlé me soutiennent pour la suite. Puis d’être distribuée bien entendu. Dans le cas contraire, ce sera aussi à moi de le faire.
L’écriture de ton scénario t’as pris du temps ?
S. B. : C’est un travail d’un an et demi. J’étais tellement passionnée que j’ai écris très vite. Il s’agit ensuite de le façonner et de le laisser reposer. Mais pas trop non plus, parce que je pense qu’écrire sous l’émotion reste quelque chose d’indispensable pour toucher les gens et transmettre un message.
Comment prévois-tu de réaliser ce premier film ?
S. B. : Avec des moyens modestes. Mais avec peu de budget on peut faire de la qualité. Je prends comme exemple les films danois ou norvégiens qui sont souvent magnifiques de réalisme. Et j’aime aussi beaucoup Murnau ou Orson Welles qui vont sur un terrain plus artistique. A moi de faire en sorte d’y mettre mon originalité. De toute manière quand tu te nourris d’arts depuis toujours, tu prends de tout le monde en y apportant ta touche, ta sensibilité et ta vison du monde.
Tu es la fille de l’actrice et mannequin Patricia Barzyk et de l’acteur anglais James Aubrey. Ta sensibilité au septième art était écrite ?
S. B. : De par leur métier, mes parents voyageaient beaucoup et ce sont mes grands-parents qui m’ont élevé. Ma mère m’envoyait beaucoup de livres ou de films de Jean Marais, Laurel et Hardy… Pendant les vacances, je rejoignais mes parents sur des tournages ou au théâtre… Alors oui, cela a développé ma sensibilité à l’art, à la création. Par la suite, mes premiers coups de cœurs musicaux sont Bowie, Gainsbourg, Balavoine ou Joe Dassin. Je m’intéressait à ce qui construit la personnalité de chacun de ces artistes alors, je me renseignais sur ce qu’ils lisaient, ce qu’ils écoutaient. J’aimais leur liberté et leur côté rebelle parfois. Cela m’a apporté une grande ouverture d’esprit.
Dans ton actualité immédiate il y a ta participation au court-métrage d’Igor Déus, Not quite dead, qui sensibilise à la cause animale.
S. B. : Nous avions travaillé ensemble sur son autre court-métrage, Dans l’encre du loup, qui abordait déjà la condition animale. Cette fois-ci il est dénoncé le marché des manteaux de fourrures et les souffrances que cela engendre. Le film sera diffusé sur le web et envoyé à des associations comme la PETA (Pour une Ethique dans le Traitement des Animaux) qui ont besoin de publicité et de supports. L’idée est de diffuser ce film à une large échelle. On a tourné avec une petite équipe et du matériel sans prétention. On a bien travaillé sur l’atmosphère et l’ambiance onirique afin que le message soit le plus clair possible. Quand on porte un manteau de fourrure on porte la mort sur soi. C’est de l’ignorance et une aberration totale. Je n’ai pas envie de tuer pour être belle ou paraître belle.
Tu joues également dans La mort d’Olivier Bécaille.
S. B. : Il s’agit d’un moyen métrage adapté d’une nouvelle d’Emile Zola. Je joue le rôle de la femme d’Olivier Bécaille et c’est aussi la première fois que je joue avec ma mère (Patricia Barzyk). Il s’agit d’une production indépendante là encore. C’est l’histoire d’un homme qui est physiquement mort et donc enterré … Mais son esprit ne l’est pas. Il assistera donc à ses funérailles et à ce qu’en disent les gens. Les scènes finales vont être réalisées et cela sortira dans le courant de l’année.
Enfin, ce début d’année marque aussi pour toi la sortie de trois clips musicaux. Pourquoi la musique ?
S. B. : Parce que c’est l’art le plus universel. Une manière de transmettre une idée en trois minutes. J’avais déjà réalisé avec mes moyens un clip qui s’inspirait de l’ambiance du livre Lolita de Vladimir Nabokov. J’ai appelé ce clip Dolorès. Cette fois-ci avec le groupe Wiara et en collaboration avec Pierre Michelet pour la musique, j’ai voulu adapter des textes d’Edgard Poe, Shakespeare ou Nietzsche avec l’idée de transmettre une émotion. Par exemple pour parler du texte de Shakespeare extrait de la pièce Macbeth, je prends le parti de rapper pour redynamiser ses écrits. Je veux prouver que la beauté de ces textes n’a rien de ringarde.
Comment aurait réagit ce bon vieux Shakespeare devant tes adaptations ?
S. B. : Plutôt bien j’imagine (rires) ! Adapter et chanter ses textes des siècles après sa mort, pourquoi serait-ce gênant ? Serge Gainsbourg disait que les hommes disparaissent mais pas leurs œuvres. A nous de les mettre sans cesse en valeur sans se priver de les réadapter à notre époque. J’ai travaillé ces adaptations en utilisant un anglais plus moderne. J’essai également de rester dans des atmosphères cinématographiques. Ce sont toujours de sublimes univers. Par exemple j’aime beaucoup le dernier album de David Lynch, The big dream, qui est absolument exceptionnel. Je tiens à cette liberté absolue de création autant qu’aux beaux textes.
Les textes ont toujours eu une grande importance dans tes sensibilités musicales ?
S. B. : J’aime énormément les textes de Gainsbourg, Jacques Dutronc ou Benjamin Biolay. Dans notre paysage culturel le talent existe, après, c’est sa diffusion qui est plus difficile. Car ce ne sont pas les seuls, mais les entends-on vraiment ?
Réalisatrice, comédienne, chanteuse : tu comptes toujours t’essayer à différentes formes d’arts ?
S. B. : À partir moment où j’ai le temps de tout faire ce sera le cas ! Je suis quelqu’un de positif. De déterminé. L’important est de croire en ses créations. Mon but est en tout cas de toucher les gens. D’être libre. J’espère que ce sera le cas à travers mes chansons, mes clips. Vivement que mon premier film soit lancé. J’ai hâte de travailler avec tous ceux qui sont avec moi sur ce projet. Et hâte d’être distribuée !
Propos recueillis par Jérémy Attali
Crédit photo : Igor Deus – Not Quite Dead
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Bio Express
Sarah Barzyk débute en tant qu’actrice à l’âge de quatre ans avec le réalisateur américain Bob Swaim, dans la série Maitre Da Costa, en 1994. A neuf ans, le réalisateur Jean-Pierre Mocky la repère pour son Film Tout est calme, pour y interpréter le rôle d’une petite fille tueuse. S’en suivront après ses études la saga Éternelle aux côtés de Claire Keim puis une apparition dans de la série phare de Canal+ Engrenages. En 2010, le jeune réalisateur Arnold de Parscau lui offre un rôle dans son court-métrage Tommy, qui gagne le concours très prisé de David Lynch. Il devient le clip officiel de sa chanson Good Day Today. Elle obtient ensuite le rôle de Marie Madeleine dans la pièce de Robert Hossein Une femme nommée Marie. Sarah rend plus tard hommage à son père, l’acteur James Aubrey, en interprétant un des personnages du film de Richard Dutton dans le film anglais Shadow Of a Stranger. En 2014 elle écrit, produit, réalise et interprète le rôle principal de son premier court-métrage Nina où elle met en scène sa mère, Patricia Barzyk. En 2015 Sarah poursuit sa carrière de réalisatrice en mettant en scène son beau-père Jean-Pierre Mocky dans son deuxième court-métrage, Marlowe. En 2016 elle produit un premier titre musical, Dolorès, en collaboration avec le compositeur Pierre Michelet. Ce titre est une réponse au poème de Vladimir Nabokov, Lolita. Le personnage d’Humbert est interprété par Jean-Pierre Mocky.
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