Camille Cottier, peintre compulsive et habitée
Camille Cottier est une artiste entourée. Entourée de visages plus ou moins colorés, plus ou moins inquiétants.
D’êtres étranges, longilignes ou borgnes, flous ou souriants, qu’elle appelle ses « Bonshommes ». Ils habitent ses œuvres. Avec un regard de mère, d’amie, d’anthropologue parfois, elle les dessine et les peint compulsivement depuis près de cinq ans. Et eux ne cessent de revenir toujours et encore comme un motif, une obsession.
Le travail de cette jeune artiste formée à l’Atelier de Sèvres et aux Beaux Arts surprend. Il y a quelque chose de saisissant dans cette forêt humaine de troncs, de membres, d’yeux clos ou ouverts. L’accumulation est dictée par l’instant seul. L’artiste ne prévoit pas, n’esquisse pas : « Mon travail est instinctif autant sur la composition que sur le procédé ». Elle peint sans relâche ces êtres nus et imberbes, plus ou moins vraisemblables. Et eux nous regardent, nous, spectateur : ces Bonshommes n’interagissent pas entre eux mais semblent vouloir communiquer avec nous. Un dialogue muet s’installe entre celui qui regarde et ceux, sur la toile, qui le regardent – intimidants, rassurants, étranges… les épithètes s’alignent et ne se ressemblent pas quand il s’agit de qualifier ces Bonshommes. Pour Camille Cottier, ils sont « bons ». Et c’est ce qui lui importe, ce qui l’obsède et la tient.
La peintre et dessinatrice expose en ce moment à la Galerie Maguerite Milin, dans le 10e arrondissement de Paris. Nous lui avons posé des questions sur son travail et ses Bonshommes, impressionnants personnages qui la hantent autant qu’ils parcourent ses toiles.
Des visages hantent la grande majorité de tes oeuvres, peux-tu nous expliquer qui ils sont, ce qu’ils représentent?
Je les ai appelé mes « Bonshommes » dans un élan assez spontané. Et je m’y suis attachée. Sûrement parce que je les ressens « bons » ces « hommes ». Sorte d’anges gardiens.
Ils sont calmes. Leur regard ne change jamais, c’est assez rassurant. Ils sont peut être là pour me veiller, pour me dire que tout va bien. Mais je n’ai pas vraiment la réponse sur qui ils sont ou ce qu’ils représentent. J’aime l’idée que chacun puisse se raconter une histoire.
Il sont une famille, une tribu. En tout cas ils nous font face. Interrogateurs ? Spectateurs ? Miroirs de notre société? Ils peuvent être toute sorte de questionnement.
Est-ce que ces bonshommes ont toujours fait partie de ton travail?
Non. Mais j’ai toujours travaillé autour du corps, j’ai appris à dessiner grâce au modèle vivant. J’ai travaillé sur les questions d’identités et de transformations d’un corps pour mon diplôme. Cela fait cinq ans que les Bonshommes sont arrivés et qu’ils évoluent avec moi.
Les bonshommes deviennent de moins en moins figuratifs avec le temps — est-ce une évolution voulue?
Effectivement ils disparaissent sous l’apparence de formes plus abstraites dans une série récente, mais finalement il réapparaissent plus tard encore plus humain. Rien n’est décidé avant. Ni les formats, ni leur apparence. Il n’y a pas d’évolution « voulue » car c’est un travail instinctif et obsessionnel. J’aime être moi aussi surprise par leur évolution.
Tes travaux sont-ils un exutoire émotionnel ou davantage chargés d’un message? Comment envisages-tu ton oeuvre?
Ils sont sans doute un exutoire émotionnel. C’est un vrai besoin, une sorte d’évidence. Quand je dessine, ils existent en moi. Leur évolution, leur style, leur comportement reflètent mes émotions mes états d’âmes, mes joies…
Tu exposes jusqu’au 6 octobre — comment as-tu sélectionné les pièces présentes, y a t il un fil rouge particulier ?
Nous avons sélectionné les pièces avec Marguerite Milin, la galeriste. Il fallait que ça nous parle à toutes les deux. Il y a un fil conducteur dans l’accrochage et les couleurs. Je ne voulais pas étouffer les spectateur par trop de présence. C’est une sélection de travaux récents, où la tendresse s’est installée entre certains Bonshommes. Il y a des oeuvres sur papier et sur toile, les techniques sont mixtes.
Les bonshommes sont-ils toujours avec toi où est-ce une de tes périodes artistiques selon toi ?
Je ne sais pas du tout. Qu’ils me surprennent!
Propos recueillis par Maud Darbois. Pour découvrir le travail de Camille Cottier, cliquez ici.
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